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lundi 10 septembre 2012

L'avenir de l'Euro passe par une relance politique de l'Europe

Le Monde.fr | • Mis à jour le
Voici très exactement 20 ans, le 20 septembre 1992, le traité de Maastricht était adopté par référendum à l'issue d'une campagne qui, quel que soit le camp où l'on s'était placé, avait fait honneur à l'idée européenne tant le débat avait été dense, dans tout le pays, et les arguments utilisés par les uns et les autres de qualité. Ce référendum ne décidait pas de la monnaie unique mais il constituait un grand pas dans cette direction. Promis lors de la campagne présidentielle de 1995, le référendum sur la monnaie unique n'eut jamais lieu. La monnaie unique fut instaurée aux forceps.
Nous avons été nombreux à l'époque à démontrer que la monnaie unique ne pouvait être que le terme d'un long processus de convergence préalable des économies et des systèmes sociaux, un "couronnement" comme l'avait dit Philippe Seguin. Nous avions attiré l'attention sur les conséquences d'une monnaie unique mal préparée qui rendrait inévitable des déplacements de population et nécessiterait de très importantes subventions des pays d'Europe du Nord vers ceux d'Europe du Sud. Le cœur des belles âmes nous répondit que la monnaie unique c'était bon pour l'Europe ! Comme d'autres affirmèrent autrefois, à la fin des années vingt, que le désarmement c'était bon pour la paix...
Après une période de douce euphorie, au début des années 2000, période comparable à ces phases d'éthylisme évoquées par Jacques Rueff, lorsqu'il dénonçait la tentation du recours à l'inflation, l'atterrissage a été brutal. Avoir une politique monétaire unique pour des pays aux structures si différentes, dans absolument tous les domaines - rôle de l'Etat, fiscalité, industrie, système social, démographie, traditions culturelles (discipline germanique versus tradition révolutionnaire française) - était une mission véritablement impossible. Bulles spéculatives, divergences considérables de compétitivité, chômage de masse dans de nombreux pays, émigration vers des cieux plus cléments, évasion des capitaux, les maux que l'on pouvait redouter sont arrivés, beaucoup plus vite que prévu. Et début 2010 la spéculation, toujours à la recherche du maillon faible dans le système financier international, s'est emparée de l'affaire.
Avec la vision prémonitoire qui était la sienne, Philippe Seguin avait appelé dès janvier 1996, dans son discours d'Aix-la-Chapelle, à une relance politique de l'Europe pour "sauver" la monnaie unique. Déjà ! Alors que l'euro n'existait pas encore ! Aujourd'hui, maintenant que la crise de l'euro est là, il faut encore tout faire pour la sauver. Que l'on croit encore à la monnaie unique ou que l'on n'y croit plus. Chaque mois qui passe, chaque mois qui est gagné sur la crise, est en effet un mois utile. L'exposition au risque souverain des banques diminue avec la renationalisation des dettes, la détention de dette publique par les non-résidents se réduit dans les pays en difficulté, les entreprises anticipent dans leur gestion toutes les situations. On peut ajouter qu'un pays comme la France a la chance d'avoir une dette entièrement libellée en euro, c'est-à-dire en monnaie domestique.
Le sauvetage de la monnaie unique dépend en réalité de deux curseurs : le curseur de la convergence, celle des politiques économiques et sociales, et le curseur de la solidarité. L'Europe a le choix entre beaucoup de convergence et un peu de solidarité, ou bien peu de convergence et beaucoup de solidarité. Mais les deux sont nécessaires. Or, comme la convergence est un exercice devenu très difficile en raison d'une croissance potentielle faible du fait du surendettement de l'économie mondiale, notamment américaine (la dette globale, publique et privée, représente trois fois le PIB !), il faudra à l'Europe beaucoup de solidarité, voire une solidarité illimitée, pour avoir une chance de sauver la monnaie unique. Une solidarité entre l'Allemagne et l'Espagne équivalente à celle qui existe entre l'Etat de New-York et celui de Californie...
Naturellement, celle-ci n'est pas évidente, c'est le moins que l'on puisse dire. Dans les difficultés, la monnaie unique peut avoir pour effet d'attiser les divisions de l'Europe au lieu de les réduire. La montée des populismes depuis quelques années en est un signe. De plus, les contraintes institutionnelles sont nombreuses, notamment pour la BCE qui est la seule banque centrale dans le monde à ne pas bénéficier du statut de prêteur en dernier ressort. Comme l'a très bien montré Joseph Stiglitz, en prenant appui sur les exemples récents de l'Asie et de l'Amérique du sud, une zone monétaire n'est jamais irréversible. Si les gouvernements veulent garder la main face à la spéculation, ils doivent ainsi réfléchir à tous les scénarios, à la manière la plus efficace de gérer à terme le risque systémique. La nécessité d'agir de manière parfaitement coordonnée en cas de suspension de la monnaie unique, évoquée récemment par Jacques Sapir, est un élément très important. Si l'euro disparaît simultanément dans tous les pays de la zone euro, les créanciers se retrouveront dans une situation équivalente à celle des créanciers des Etats-Unis lorsque le président Nixon décida en 1972, un certain 15 août, sans la moindre concertation, de supprimer la convertibilité du dollar en or. L'Allemagne et la France avaient l'habitude de recevoir de l'or pour le règlement des déficits américains ; à compter de cette date, ils reçurent du dollar...
Quelques jours avant le référendum sur le traité, dans ces mêmes colonnes, nous avions dénoncé son orientation beaucoup trop monétariste, pleine de dangers pour l'avenir. Sur 253 pages, le mot chômage n'était jamais cité, le mot emploi ne l'était qu'à deux reprises, les statuts de la future Banque Centrale Européenne ne mentionnaient aucunement l'emploi dans les objectifs de la politique monétaire, à la différence de ce qui existe aux Etats-Unis. 20 ans après, les chiffres de l'emploi au sein de l'Union sont accablants : 25% de taux de chômage en Espagne, 3 millions de chômeurs en France, 18 millions dans l'ensemble de la zone euro. Des chiffres socialement et politiquement explosifs, économiquement catastrophiques car destructeurs de confiance. Dans ce contexte, le pacte de croissance adopté en juin dernier sera un test important de la volonté européenne. Nous saurons très vite s'il est avant tout une habileté politique ou s'il permet de mettre en œuvre, dans des délais précis, des projets fortement créateurs d'emplois. Le sauvetage de l'euro est aussi à ce prix.

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